La fièvre du samedi soir

Il fait sombre, et le sol tremble sous les sauts effrénés de la foule. Voilà deux ans qu’elle n’a pas remis les pieds dans une discothèque. Et ce soir, par surprise, elle s’est retrouvée à fouler le sol d’un endroit rempli de souvenirs.
Elle regarde la scène sur laquelle aurait dû performer cet homme qu’elle aime et qui n’est plus là. Elle regarde vers le haut, vers le balcon près duquel elle a dansé avec un autre homme, des années plus tôt. Elle se souvient du fumoir dans lequel elle a un jour revu ces vieilles connaissances, fantômes d’un passé qu’elle ne connait plus.
Mais surtout, elle regarde tout autour d’elle les corps mouvants, frénétiques, qui se laissent traverser par les vibrations de la musique. Ils dansent, transi.
Alors elle noue sa chemise à la taille pour avoir moins chaud, et se met à danser aussi. Elle va se noyer dans la foule, collée à des inconnus dont l’énergie est communicative, et elle ferme les yeux. La musique est trop forte, mais pour une fois, ce n’est pas grave. Elle n’est plus « trop » forte, mais « assez » forte, assez pour pouvoir vibrer dans ses os, et la transporter ailleurs. Elle ne sait même pas quelle allure elle a en bougeant ainsi, et ça lui est bien égal : tout ce qui l’intéresse, c’est de danser, de se laisser porter par les vagues invisibles des basses qui courent sous ses pieds, pour s’envoler.
Elle croit sentir quelque chose se poser sur ses hanches. Surement des mains. Des mains qui l’enlacent et qui épousent son rythme. Elle ne s’affole même pas. Elle se doute de l’identité de leur propriétaire, sourit paisiblement de cette communion muette, et enfin se retourne pour faire face à son cavalier.
Ils ondulent, s’enlacent, un peu trop proches pour être innocents, mais pas encore assez pour être fautifs. Elle lui sourit, ravie qu’il soit là pour partager avec elle la plénitude que lui procure cette marée de corps, la joie de piétiner un sol poisseux, couvert des bières renversées par les rythmes endiablés. Elle passe un bras autour de son cou, et il se penche pour déposer un baiser dans le sien. Elle sourit de le voir flirter si dangereusement avec les limites de la culpabilité, heureuse de retrouver la fausse ingénue qu’elle était avant que tout ne s’effondre.
Heureuse de voir qu’elle existe encore quelque part sous toutes ses couches d’angoisses, de bris de cœur et d’amertume.
Dehors le monde se meurt et la guerre éclate, mais les corps qui dansent n’en n’ont plus rien à faire. Deux ans qu’ils sont interdit de bouger, d’onduler, d’enlacer. Deux années muselés, aliénés par la bêtise totalitaire des gouvernements opportunistes. Alors s’ils doivent mourir demain, ce soir ils danseront, car c’est dans la danse que l’on célèbre la vie. Dans la danse les esprits sont libres d’être et de faire ce qu’ils veulent, guidés par les mouvements du corps, surprenants, imprévus, spontanés. La danse libère les âmes, c’est le dernier refuge des cœurs heureux qui, au milieu de tout ce merdier, n’aspirent qu’à une seule chose : vivre.
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