Episode 2

LES HOMMES DECOUVRENT LA MER


White men, Esbjerg

14 novembre 2021

Après à peine 2 heures de train, depuis Kolding où nous avons échoués la veille, nous arrivons à Esbjerg. C’est à peu près notre seule certitude depuis le début : commencer le voyage ici, pour aller sur l’île de Fanø.

Nous avons devant nous 2 heures de rien avant de pouvoir récupérer les clefs de l’ AirBnb que nous avons loué, alors nous nous mettons en marche vers les White Men. « L’homme rencontre la mer » en français. Bien que les deux titres n’aient rien à voir l’un avec l’autre, les deux sont pertinents : les White Men sont des immenses statues d’hommes assis face à la mer, comme s’ils la découvraient pour la première fois.

La fleur au fusil, nous nous mettons en route, sacs sur le dos, sans prendre en compte qu’il y a bien une heure de marche depuis là où nous sommes. La visite de courtoisie d’un monument modérément connu se transforme en périple, avec des stops réguliers pour éviter de se détruire le dos. Nous longeons le port d’Esbjerg, qui n’a rien de touristique et tout d’industriel, vaguement adapté aux cyclistes, pas vraiment aux piétons. Mais qu’importe, au fond ? Nous sommes venus là pour ça : marcher, marcher, marcher…

La zone industrielle est la première chose que l’on a vu d’Esbjerg. Mais à force de marcher, petit à petit l’horizon a découvert de petits points blancs, de plus en plus grands, en rang d’oignon face à la mer. Les hangars de taules se sont faits de plus en plus rare, pour découvrir les collines et les buttes recouvertes d’hautes herbes jaunissantes, et au-delà d’elles, la mer. 

Nous avons pressé le pas, touchant enfin au but. Les hommes blancs nous faisaient signe au loin et nous courrions vers eux. Ils marquaient, pour nous, le véritable début de notre voyage. Notre première attraction, nos premières photos, nos premiers souvenirs. Nous y sommes restés un moment, assis à leurs pieds pour se reposer de les avoir tant cherchés. Et puis quand la pluie est venue, nous sommes rentrés, empruntant le premier bus, conduit par un chauffeur sénile qui, si nous ne nous étions pas mis en travers de la route, ne nous aurait surement jamais vu.

Trouver notre Airbnb n’a pas été une tâche facile. Le propriétaire nous a transféré d’établissement à la dernière minute, et nous disposions de deux adresses à trente minutes de marche l’une de l’autre. En nous présentant à l’adresse que nous pensions être la bonne, nous avons constaté que ça ne correspondait pas aux photos. L’endroit était un peu miteux, principalement composé de maisons en préfabriqué. Donc, nous avons marché jusqu’à l’autre adresse, nos sacs toujours sur le dos, le périple des white Men toujours dans les pattes. Quelle ne fut pas notre déception, donc, lorsque nous avons constaté que la seconde adresse n’était pas non plus la bonne.

Rémi est allé voir un peu plus loin si toutefois le GPS était imprécis. Le temps qu’il fasse l’aller-retour, nous avons compris, sans se concerter, que la première adresse était la bonne et que c’était nous qui ne savions pas regarder.

J’ai lâché mon sac au sol, me suis affalé sur le perron d’un immeuble et, face à ce coup du sort, j’ai mangé une banane. J’en avais plein le dos – littéralement, j’avais mal aux pieds, et j’avais faim. Dépités, nous avons contemplés le vide un instant avant que Rémi ne lâche « on est quand même très cons ». Et nous avons explosé de rire. Que faire d’autre ? On n’a pas regardé, on s’est empressé, et on a marché pour rien. Autant rire de nous.

Puisque le chemin vers l’auberge passe par la rue principale, nous avons décidé de nous arrêter dans un café à mi-chemin afin de nous sustenter et repartir de plus belle. 

Nous nous sommes remis en route, et avons fait un stop dans un café très hyggelig de la rue principale, qui deviendrait, sans qu’on ne le sache encore, notre repère pour tout le séjour.

L’Expresso House est une chaine de café relativement similaire à Starbucks, mais uniquement présente dans les pays scandinaves. Ainsi, même si nous ne faisions pas l’effort de chercher des cafés mignons, typiques et différents, nous avions au moins choisi de suivre à la trace la chaine made in Scandinavia. Et, heureusement, il y a des Expresso House absolument partout au Danemark.

Nous n’étions donc jamais vraiment perdus.

Nous avons échoué sur un des canapés du café armés de roulés à la cannelle et de chocolat chaud, pour passer du baume sur nos fiertés meurtries, et sommes resté là jusqu’à ce qu’on nous mette à la porte. Nous sommes retournés à la première adresse, on a enfin lâché nos sacs, et sommes très vite reparti en quête d’un supermarché, en prévision du repas du soir. Lorsqu’on a enfin lâché nos godasses et pris une douche, il n’a plus été possible de nous faire entrevoir l’hypothèse de ressortir, et on s’est tous les deux effondrés, fatigués, courbaturés, mais – je crois – heureux.