Episode 8
UN SQUAT ET UN COMEDY CLUB

20 novembre 2021
Ce matin nous avons dit au revoir à Hans. Nous avons pris un train pour rejoindre Aarhus, où nous attend un Airbnb, puis demain, notre troisième hôte.
Aarhus est la deuxième plus grande ville du Danemark après Copenhague, et compte en son sein une université qui, apparemment, est gigantesque.
Camilla, notre hôte pour le dimanche, ne peut pas nous héberger aujourd’hui. Du coup, on a pris le Air bnb le moins cher, ce matin pour ce soir. On aurait dû se douter que c’était pas la meilleure idée, mais comme on est un peu naïf, on l’a fait quand même.
Pour la faire courte, on est tombé dans un taudis. Je suis actuellement assise sur un lit qui a vu se coucher sur lui plus d’un chien, dans le meilleur des cas. La cuisine ressemble à une brocante, avec des objets aléatoirement rangés. En ouvrant un tiroir, je suis tombé sur une cuillère, une fourchette et une truelle. Kamoulox.
La vaisselle est d’une propreté douteuse, les poêles sont grasses et on a eu du mal à trouver deux cuillères. J’ai ouvert le frigo, et trouvé des restes. Littéralement, une marmite est posée sur une étagère du frigo, une louche posée dans un liquide suspect. Sans parler, évidemment, de l’odeur qui en émane.
Il y a des cartons partout, comme si le propriétaire – ou le locataire, qui a priori sous-loue via Airbnb – avait déménagé. Le salon se compose d’un canapé fait d’un matelas trop grand posé sur une palette de transport trop petite, face à une table basse constituée d’une porte, posée sur deux cagettes.
Le sol est poussiéreux, et le lit n’a pas été changé depuis à mon sens bien trop longtemps. On voit les poils de chien blanc sur le drap noir, la housse de couette est usée, les oreillers fatigués. Les installations électriques sont au choix ambitieuses ou téméraires, avec des prises multiples sur des prises multiples, et des prises murales rafistolées avec du scotch.
Dans la salle de bain, la douche n’a pas de rideau, et il y a une vieille brosse à dent dans le placard. Rémi a voulu aller se laver les mains : le lavabo fuit. Mieux encore, le syphon a été légèrement dévissé exprès pour que l’eau coule, sinon, il serait bouché.
Face à une situation aussi consternante, nous n’avons eu qu’une solution : rire. De manière incontrôlable, nous avons ri, de nervosité, d’ahurissement, et peut-être aussi, un peu, de fatigue.
Toutes les deux côtes à côtes dans ce lit, nous nous demandons si nous allons être envahi par les puces, tandis que, dans l’appartement d’à côté, des gens font la fête. Mais c’est-à-dire que les murs sont tellement fins que je ne sais plus s’ils font la fête chez eux, ou ici.
Nous avons rit de nous, de notre naïveté, mis de l’eau partout dans la salle de bain et pris le risque de manger dans la vaisselle a disposition. Il s’endort, tandis que je guette les moindres démangeaisons sur mon corps, en alerte, prête à bondir si toutefois un bruit suspect se fait entendre dans cette maison de l’horreur. Heureusement, ce n’est qu’une nuit.
Nous partons rendre les clefs à Søren, celui qui nous a loué ce… truc. Lorsque nous l’apercevons, tout s’explique : ce type est aussi cracra que son appartement. Le teint terne, les cheveux gras, il a des pellicules dans la barbe et le regard triste. Son dos est vouté, il n’aligne pas trois mots et semble vouloir en finir le plus vite possible. Ça tombe bien, nous aussi. Rémi trouve quand même le courage de lui parler deux minutes, pour lui dire merci (euh ?) et lui dire que c’est la première fois qu’on vient ici, que la ville est chouette, tout ça. Je le regarde avec consternation, et dans ma tête je hurle ; ON SE TIRE, ON SE TIRE, ON SE TIRE !
Donc, on finit par se tirer.
On a rejoint Camilla, notre dernière hôtesse de l’aventure, en fin d’après-midi, après avoir pris le soleil sur le bord de de la Baie d’Aarhus, un quai sans bateau. Elle habite à trente minutes de marche du centre, tout droit en prenant un boulevard en pente, qu’on a monté et descendu un nombre indécent de fois en un lapse de temps beaucoup trop court.
On a posé nos sacs chez elle avant de repartir vers le street food market, un grand hangar avec plein de stands de bouffe du monde, rejoindre ses amis. Tous expat’, nous avons mangé de la pizza en jouant à un jeu de société qui n’existe qu’au Danemark. Un truc a mi-chemin entre le jeu de l’oie et le trivial poursuit.
Au bout d’un moment, elle nous a proposé d’aller dans un bar où, tous les dimanches soir, se tient une scène ouverte d’humour, en anglais. Bien que le pari fût risqué, nous y sommes allés. Quel meilleur moyen de s’immerger dans une culture que d’entendre les locaux se moquer d’eux-mêmes ?