Episode 9
SUR LA ROUTE

25 novembre 2021
Je sais, c’est déjà un titre de Kerouac. Mais le mec a tout compris. Être sur la route procure un sentiment de liberté et une plus grande facilité à vivre dans le présent. Encore plus lorsque l’on n’a pas à penser à la suite, ou pire, au retour. Rester à un endroit jusqu’à avoir vu tout ce qu’on voulait voir, jusqu’à ressentir à nouveau l’envie de bouger, puis faire son sac et se pointer comme une fleur à la gare, en route pour une nouvelle aventure. On peut rester là deux jours, deux semaines ou six mois, ça n’a pas vraiment d’importance. L’important, c’est d’être là où on a envie d’être, là où on se sent bien. Et moi, je me sens bien quand je bouge souvent.
Au Danemark, on bouge tout le temps, on n’a pas le temps de croupir. Je pourrais vivre comme ça encore longtemps, si seulement je ne ressentais pas le besoin et le manque de me sentir jolie. On porte toujours les mêmes fringues pour garder le sac léger, avec le même k-way moche parce que gratuit (merci maman), et nos grosses chaussures de rando chaudes et confortables, qu’on était bien contents d’avoir à Skagen, lorsqu’on baignait dans cinq centimètres de mer glacée.
Mais on a rien d’autre.
Imagine, juste un instant, une vie faite d’Airbnb, avec pour tout bagage une grosse valise. Être une baroudeuse citadine, et changer de vie dès que j’en ai envie. Vivre dans une ville, avoir l’opportunité de porter un trench et des chaussures à talons pour aller boire un café, comme si j’appartenais à la ville où je suis. Travailler de chez moi, et vivre le quotidien de l’endroit où je me trouve jusqu’à ce qu’il m’ennui, et en trouver un autre. Être nomade mais pas sauvage, et ne pas laisser à la routine l’occasion de devenir mortifère. Oui, je crois bien que mon équilibre se trouve quelque part par là.
Même si on n’a pas eu le temps de tout voir, j’ai adoré Copenhague. La ville est grande, dynamique et vivante, mais pas oppressante. Elle n’a des capitales que les qualités, et j’ai aimé m’y promener comme si j’y vivais.
On a flâné tout le long du Kastellet, un ancien château dont le domaine est en forme d’étoile, vu la statue de la petite sirène (beaucoup plus petite que ce qu’on imaginait) et perdu plusieurs heures chez les antiquaires, à chercher une assiette moche pour honorer un pari stupide donc génial avec ma meilleure amie restée en France.
On a visité tous les Expresso House de la ville (qui en compte un nombre absurde), et rendu visite au quartier hippie de la ville, Freetown Christiania, pour manger dans une cantine végétarienne que Rémi à dégotté sur google Maps. Dans les faits, on a marché quarante minutes pour manger une soupe.
Comme c’est la dernière ville que l’on a faite, on avait plus autant la forme qu’au début. Marcher quinze kilomètres d’un coup était devenu compliqué, et au bout de dix bornes, on ressentait le besoin de se poser, manger, faire une sieste. On se réveillait plus tard le matin, aussi, parce qu’on avait pris une auberge de jeunesse super confortable dont les draps des lits nous gardait bien au chaud. Alors forcément, on en a moins vu. Mais ce n’est pas grave, car je sais que j’y reviendrai.
Le dernier soir, pour clore le voyage, Rémi a décidé qu’on irait manger dans un restaurant gastronomique. On a débarqué là-bas avec nos habits de touristes, nos chaussures grossières et nos polaires, pour faire face a des serveurs maniérés, guindés mais, dans le fond, adorables.
Pendant six plats, on a fait le tour de notre aventure, échangé nos impressions, nos ressentis. On a pris le temps d’être nostalgique, de se dire les choses qu’on avait évités de dire au moment inopportun. On a réfléchis à ce qu’on ferait en rentrant, si on serait différents. Je pense que oui. Marquée du sceau de ce voyage incroyable, j’aurai du mal à revenir a ce que j’étais avant de partir. Je vois plus loin, et plus grand à présent.
On s’est promis de repartir. Peut être pas au Danemark, mais il est certain que ce voyage nous a donné le gout de l’aventure, et à moi, redonné un peu de sourire sur mon visage rabougrit.
La tristesse n’a pas eu sa place sur ces terres, et j’en serais éternellement reconnaissante. J’ai aimé chaque minute, ressentie chaque seconde comme une bénédiction.
Ici, j’ai eu le sentiment de passer une étape dans ma vie. J’ai réussi à voir « dans cinq ans », j’ai réussi à vivre sans me regarder, j’ai réussi à faire la paix avec quelques petits bouts de moi. J’ai aimé partager ce voyage avec ces inconnus si gentils, et avec mon pote, qui est devenu mon ami.