Ecrire

Je pourrais écrire beaucoup plus, mais il est éprouvant de sortir de soi ses tripes et de les étaler sur la table de la plus poétique des manières.
La fluidité avec laquelle naissent les mots, la dextérité avec laquelle mes mains réussissent à taper aussi vite que je réfléchis, me permet de faire exister des idées, à travers des textes qui, si j’y réfléchis trop, disparaissent.
Ecrire n’est pas un exercice de créativité de ma part, c’est une nécessité. C’est des choses qui ne trouvent d’ordinaire aucune oreille, c’est évacuer les frustrations nées de la confrontation quotidienne et infinie avec un monde que je n’accepte pas. Avec des préceptes que je désapprouve et qui me révoltent souvent.
Ecrire c’est m’autoriser à avouer des choses que les autres ne sont pas prêts à entendre. C’est un espace où nait la liberté d’être transgressive, injuste, malpolie. C’est aujourd’hui, me semble-t-il, ma dernière forme de liberté, que je chéris et que je ne supporterais pas de me voir retirer.
On ne peut plus disposer de son corps comme on l’entend, on ne peut plus parler de ce dont on a envie, on est fliqué, surveillé, manipulé, assujetti tant et si bien qu’on ne s’en rend même plus compte. Nous évoluons dans une société sournoise, administrée par un gouvernement vicieux qui s’emploie, insidieusement et sous couvert de sécurité nationale, à détruire une à une nos libertés les plus fondamentales.
Dans un monde où je me sens acculée, piégée, claquemurée, écrire est finalement la dernière forme de rébellion qui s’offre à moi, la dernière chaleur, le dernier rayon de lumière, ma révolte propre et personnelle, l’expression, sous sa plus pure forme, de ma liberté de penser.
Evidemment, je suis loin d’être la seule dans ce cas. Et je trouve ça absolument déplorable, et d’une infinie tristesse, de n’avoir plus que pour nous des mots qui résonnent dans le vide.
Que valent encore les mots aujourd’hui ?
Leur impact est-il le même, que l’on soit une personnalité publique ou monsieur tout le monde ? Bien sur que non.
Qui crois-je tromper en pensant que mes mots et mes grandes déclarations toucheront ceux à qui je les déclame ? Personne.
Qui se soucie de l’avis d’une fille de vingt-sept ans, dont personne, de toute façon, ne se souviendra quand je ne serai plus là ?
Que sont les mots finalement, sinon un pansement à soi-même, un placebo pour se donner l’illusion d’avoir une quelconque incidence en dehors des murs de sa propre maison ?
Ceux qui parlent avec propos trouve un bien petit auditoire au regard de ceux qui parlent pour ne rien dire.