Trouver le Je

La question primordiale à laquelle tout le monde devrait avoir une réponse, c’est « qui suis-je ? ». Tant que l’on n’a pas répondu à cette question, on oscille entre être ce que l’on ne veut pas, et n’être personne.
Pour ma part, je navigue avec cette ambivalence d’avoir envie d’être écoutée, et la timidité de quelqu’un qui veut se faire tout petit. Comme si je ne pouvais être vue que par hasard, par surprise, sans l’avoir demandé. Comment si je ne pouvais prendre une place que si quelqu’un d’autre la légitimait pour moi. L’exemple le plus flagrant, c’est quand je chante. J’adore chanter, mais si quelqu’un me dit « chante » je répondrai toujours « non ». Donc, les seules personnes qui m’entendent chanter sont ceux qui, par hasard, passent à coté de la salle de bain au moment où je prends ma douche. Ainsi suis-je entendue malgré moi, presque démasquée. Et pourtant, j’aurais fait exprès de chanter fort.
Peut-être que, si je savais où était ma place, si je comprenais qui j’étais, alors à l’injonction « chante ! » je pourrais répondre « avec plaisir ».
La solution ne tient donc qu’à une seule question : qui suis-je ?
Bien que la réponse existe quelque part, elle n’est pas encore arrivée jusqu’à moi.
Car entre ce que l’on voudrait être et ce que l’on est vraiment, il y a parfois contradiction. J’aimerais être bienveillante, aimante, patiente et compatissante, ainsi que douée, talentueuse et créative.
Dans les faits, je suis ambivalente, caractérielle, sensible et imprévisible, ainsi que paresseuse et sévère. Pour une même situation, je peux avoir deux réactions diamétralement opposées, dictée par mon humeur.
Comment alors accepter la lumière, si je ne suis pas d’accord avec ce que l’on va y voir : moi ?
Je ne veux pas être caractérielle, je ne veux pas être lunatique. Mais que faire alors ? Refuser de ressentir ce que je ressens car ce n’est pas cohérent avec ce à quoi j’aspire, et me frustrer pour rentrer dans le moule de mon idéal, ou bien accepter de ressentir quelque chose que je n’ai pas envie de ressentir et être en désaccord avec la nature de mon être ? Ne pas être d’accord avec son état de fait mais le laisser exister, ou le renier complètement ? La nuance est subtile mais aucun des cas n’est satisfaisant.
Une émotion est légitime part le simple fait qu’elle existe. Malheureusement, mes émotions entrent rarement en adéquation avec l’image de perfection humaine plantée dans ma tête. Mes émotions sont rarement bienveillantes. En revanche, elles sont très souvent la réponse à des maux bien plus profondément ancrés, bien plus anciens que la situation en elle-même, qui souvent n’a que très peu de poids dans la balance de ma considération. Par exemple, un homme par nature agressif dans son attitude, dans ses mots, me révoltera toujours : et pourtant ce ne sera pas de lui qu’il s’agit au fond, mais de mes propres traumatismes. Voir même, de la réflexion de mes propres défauts, que je ne supporte pas.
La vraie question est donc : quelle est la personne qui s’est construite malgré moi, cette seconde voix dans ma tête qui a plus de poids que le vrai « je » ? Ce Je qui, à cause de l’encombrant Autre, ne trouve ni sa place, ni sa voix ?
J’ai comme le sentiment que, pétri de bienveillance, les gens autour de moi tentent de me faire comprendre, par les mots ou par les actes, qui est ce je que je ne veux pas voir. Mais étouffé par la cacophonie du second, « je » n’existe pas.
Je n’existe pas.
Peut-être est-il temps pour ce Je, pour moi, d’arrêter de subir cette injustice, et de rétablir ce qui est. Peut-être est-il temps de partir à la recherche de ce Je malheureux, esseulé, égaré entre les piles des archives de mon histoire. Savoir reconnaitre le Je, pour en établir l’identité, et cessé de le renier, de lui refuser la lumière qu’il mérite et qu’il a toujours dû laisser à l’autre bien penseur, dictateur des bonnes mœurs et des bonnes conduites, ce parasite qui m’a toujours dit que je n’étais pas assez, et que, par conséquent, Je ne pouvais être aimée. Peut-être est-il temps, enfin, de réparer le Je.