Tais-toi.

Viendra-t-il un jour où je n’aurai plus rien à dire ?
Probablement. Mais avant, il viendra surement un jour où je n’aurai plus envie de parler. J’ai l’impression d’avoir usé toute ma salive à parler de mes petits problèmes. J’ai les doigts pleins de cornes d’avoir trop écrit à propos de choses qui peut-être n’en valent pas tant la peine.
A quel moment ai-je basculé dans un monde où ma santé mentale a déconné ? Est-ce que j’ai toujours été une bombe à retardement, ou est-ce qu’il y a un évènement, un fait marquant qui a tellement marqué mon cerveau qu’il a préféré l’oublier ?
J’ai l’impression à présent de courir après un mystère que j’ignore complètement. Je suis la petite fille qui marche avec sa valise trop grosse et trop lourde, et surtout fermée à double tour. Celle qui se traine un fardeau dont elle ignore tout, mais qu’elle ne peut pas balancer. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé.
Alors je parle, et je commence à être une de ces connasses qui parlent pour ne plus rien dire d’intéressant.
A quel moment bascule-t-on ? A quel moment c’est le moment de fermer sa gueule ? A quel moment c’est le moment d’accepter de passer à autre chose ?
De se dire que tout ne peut pas être résolu et que rien ne sert de vouloir avancer librement. Qu’un homme qui n’a rien n’existe pas. Car à défaut de n’avoir rien d’humain ni rien de matériel, on s’aura toujours soi-même. L’intérieur, la psyché. La voix qui nous parle, si par chance nous n’en avons qu’une.
L’égocentrisme est-il l’expression de l’amour qu’on se porte, ou de l’amour qu’on ne se porte pas ?
Est-ce que j’essaie de parler de moi pour essayer de me connaitre mieux, de m’aimer d’avantage ou parce que je m’aime déjà tellement que je préfère regarder mon nombril plutôt que celui des autres ?
A priori, je ne me porte pas un amour inconditionnel. Et je me force à me regarder pour essayer de voir en moi ce que les autres voient de moi. Je me force à regarder mon corps, à le regarder bouger, à me regarder danser, pour essayer de m’apprivoiser. Pour m’en vouloir un peu moins. Pour m’aimer un peu plus. Je me force à parler, et m’écouter dire, pour essayer de comprendre à quel moment j’ai arrêté de m’apprécier. Pour essayer de comprendre pourquoi mon esprit est à ce point cassé.
Pas assez détraqué pour être reconnue comme un cas particulier, mais juste assez pour que les voix à l’intérieur de moi se coupent, se chevauchent, se répondent. Inlassablement bavardes, terriblement assourdissantes, elles mènent à la folie et je ne sais les faire taire. Alors à défaut de pouvoir les comprendre je vous les communique pour que peut-être quelque linguiste, charmeur de l’âme, arrive et me sauve. Il semblerait finalement que je sois incapable de le faire moi-même.
Suis-je le malade imaginaire ? Ces voix sont-elles des inventions pour essayer de rendre mon cas plus intéressant ? Pour attirer la lumière, pour me mettre dedans, pour devenir visible ?
Souffrir en silence de l’invisibilité, se résigner d’être à l’ombre, accepter de n’être personne pour tout le monde, et le monde entier pour personne.
Se sentir si proche du sol qu’on peut l’embrasser. Se détester d’écrire des trucs qui nous concernent. Ne pas réussir à se pardonner d’exister. Sans pour autant souhaiter mourir. C’est encore pire, cette absence de position.